Deuxième Circulaire
Le continent africain, avec son étalement géographique entre deux hémisphères, constitue un laboratoire du climat par excellence. Son climat passé a traversé des périodes très différentes. Avant la fin de l’ère glaciaire (-18 000), il était quasiment désertique et une période humide s’est ensuite installée entre -12 000 et -5 000. L’existence d’un gigantesque lac Tchad à l’holocène moyen (il y a plus de 6 000 ans) atteste de ces fluctuations historiques. Le climat contemporain en Afrique est pratiquement le même que celui qui prévalait il y a 2000 ans, avec des phases plus arides ou plus humides. La période allant du Xème au XIVème siècle correspond à une période arrosée où les conditions climatiques étaient plus favorables à la vie humaine qu’à l’heure actuelle. Au début du XIXème siècle, en revanche, une période aride touche le continent durant quelques décennies. L’écoulement du Nil diminue fortement et le lac Tchad s’assèche. Au milieu du siècle, une phase humide persiste jusqu'aux années 1960. La décennie 1970-1980 marque à nouveau une aridification du climat qui se fait lourdement ressentir par les populations.
Actuellement, la plupart du continent africain se trouve au sein d’un régime tropical à l’exception de la partie méditerranéenne et de l’Afrique du Sud. Regroupant des trames climatiques très variées (équatorial pluvial, climat de mousson, désertique et méditerranéen), l’Afrique fait face, dans la plus grande majorité de ses territoires, à des impacts de natures, de niveaux et de dureté différents, causés par la variabilité et le changement climatiques, et ce qui en découlent en termes d’aléas et d’événements climatiques extrêmes. Ceci est d’autant plus vrai quand on sait que la sécheresse sahélienne, qui s’est amorcée dès les années 1970, est parmi les phénomènes climatiques qui avaient à l’époque suscité l’inquiétude et l’intérêt des chercheurs pour le climat en les poussant à déclencher la sonnette d’alarme quant aux risques dus au changement climatique.
L'évaluation des tendances climatiques actuelles en Afrique est indispensable pour détecter l'éventuelle amorce d'un changement des éléments du climat et des types de circulation atmosphérique. Aujourd'hui, ce cumul de résultats sur les tendances des régimes pluviométriques et thermiques, etc., doit être accompagné d'explications scientifiques rigoureuses. Ces explications peuvent être fondées sur notre niveau de compréhension de la dynamique atmosphérique et océanique, de la modification du bilan énergétique, de la modification de l'albédo de la terre, des impacts liés à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre (GES)...
Les tendances observées dans les séries climatiques africaines actuelles sont difficiles à généraliser sur l'ensemble du continent africain, surtout pour les précipitations, par manque de couverture spatiale suffisante d’observations in situ. Par ailleurs, il est aujourd'hui difficile d'associer le réchauffement de l'Afrique à l'unique augmentation des GES, autour desquels les incertitudes persistent, surtout, quant à leur niveau d’implication. La concentration de GES et d'aérosols dans l’atmosphère, le bilan énergétique et la manière dont l'excédent énergétique est distribué à travers les circulations océanique et atmosphérique, la position géographique des continents... sont autant de facteurs qui influencent le climat à différentes échelles de temps, qui devraient faire l’objet de plus de recherches pour arriver à des explications satisfaisantes.
En intégrant l'ensemble des connaissances sur le système climatique, les modèles climatiques globaux tentent de prévoir le climat futur en partant de nos connaissances sur le climat passé et actuel. La fiabilité des prévisions de ces modèles climatiques est relativement satisfaisante en ce qui concerne les températures en Afrique. En ce sens, le GIEC confirme dans son dernier rapport qu’au cours du XXIème siècle, le réchauffement climatique en Afrique sera plus important qu’au niveau mondial. En revanche, des incertitudes demeurent sur les résultats des projections portant sur les précipitations. L’Afrique du Nord, l’Afrique australe ou l’Afrique de l’Est figurent parmi les régions où l’incertitude est la plus forte. Aujourd'hui, et plus que jamais, les projections futures du climat de l'Afrique méritent d'être quantifiées selon une approche régionale, connue selon le nom de "Downscalling" ou descente d'échelle.
A la fragilité climatique, de surcroît pas encore assez bien appréhendée scientifiquement, s’ajoute l’instabilité politique, l’explosion démographique et l’entretien du pillage des ressources naturelles diverses et variées, dont le continent regorge, par certaines firmes multinationnales. La population africaine, qui a récemment dépassé le milliard et devrait doubler d'ici 2050, souffre dans sa plus grande majorité, du sous-développement et de la pauvreté dépendamment de nombreux facteurs socio-économiques, politiques et environnementaux. Parmi ces facteurs, un des plus déterminants étant une incapacité à s'adapter aux conditions climatiques extrêmes qui prévalent sur tout le continent, rendant ainsi complexes et difficiles toutes recherches de résilience. Avec des projections de certains aspects du changement climatique à venir suggérant que le continent s’oriente très probablement vers un climat plus sec et des extrêmes plus fréquents, il est clair que la situation ne pourra qu’empirer. Ainsi, la communauté scientifique doit se pencher non seulement sur les impacts de la variabilité et du changement climatiques sur les ressources naturelles disponibles, mais elle doit accorder plus d'attention aux moyens opérationnels d'adaptation et de résilience face aux risques climatiques qui ne cessent de s'accentuer.
De plus, et dans un contexte climatique mondial où l’Afrique n’est responsable que de moins de 4% des émissions mondiales de GES, notre continent doit faire entendre sa voix de première victime, et concentrer ses efforts sur l’adaptation et la résilience de ses territoires aux effets du changement climatique. Aussi et au-delà des incertitudes sur l'évolution du climat et de sa vulnérabilité, l'Afrique, doit tirer profit de sa position géographique, de son potentiel hydro-électrique, solaire et éolien, et de ses ressources naturelles pour assurer sa diversification/transition énergétique. A l’avenir, ses choix en matière d’offre énergétique seront de plus en plus dictés par les questions environnementales et l’enjeu climatique en particulier.
D’un autre côté, les écosystèmes forestiers africains, notamment ceux de l’Afrique centrale, font de cette région un important « protecteur du climat » mondial à travers le rôle des puits de carbone. Ainsi, notre continent devra trouver un juste équilibre entre ressources foncières, sécurité alimentaire et développement de nouveaux partenariats et marchés extérieurs. Elle doit aussi développer des mécanismes politiques et socio-économiques lui permettant de faire face aux crises climatiques et de limiter les flux des refugiés climatiques subsahariens. Ces problématiques multiples et diversifiées, nécessitent des travaux de recherche qui s'intéressent non seulement au climat, mais qui engagent aussi des efforts académiques pluridisciplinaires réunissant les économistes, les politologues, les sociologues, les géographes, les biologistes, les chimistes...C'est la raison pour laquelle nous attendons également de ce colloque international sur l'Afrique des intervenants issus d'horizons scientifiques diversifiés pour enrichir le débat sur l'avenir de l'Afrique.
Ce colloque sera donc une occasion pour réunir du 25 au 27 avril 2024 une communauté scientifique pluridisciplinaire pour discuter de la recherche scientifique en climatologie et en matière du changement climatique en Afrique, et ses relations avec les urgences sociales, économiques et politiques.
L’AMC ambitionne à travers ce colloque à renforcer la sensibilisation des décideurs aux impacts attendus du changement climatique, en vue d’en anticiper les conséquences en les intégrant dans toutes les politiques publiques, locales ou régionales, de la manière la plus efficiente possible. Elle vise aussi un diagnostic scientifique fiable et exhaustif avec une analyse des interdépendances entre les phénomènes et les enjeux afin de construire des stratégies d’adaptation et de résilience ciblées et efficaces.
Nous sollicitons ainsi des chercheurs africains et non africains émanant aussi bien des sphères académiques que de différents horizons et de corps de métiers, afin de participer à cette manifestation. Notre appel va à tous chercheurs aillant un rapport avec la thématique principale du colloque, à savoir les climatologues, les météorologues, les hydrologues, les agronomes, les économistes, les sociologues, les urbanistes, les juristes, les politologues ...